Inspiré des Etats-Unis, le retour du porte
à porte devait être la méthode révolutionnaire sur laquelle Emmanuel
Macron aurait pu espérer un succès populaire. Mais malgré une cohorte de
volontaires, l'expérience ne semble pas avoir été concluante, faute de
soutiens électoraux.
La force de la première campagne d'Obama a
été d'avoir su créer autour de lui une communauté, sur les réseaux
sociaux d’abord puis ensuite sur le terrain. En 2008, plus de 10
millions de personnes ont participé à cette campagne. 3 millions
d’Américains ont fait des donations. Et plus d’1 million ont milité sur
le terrain. On se souvient qu’en France, Ségolène Royal a usé des mêmes
méthodes en s’appuyant sur son association « Désir d’avenir ».
On sent bien
qu’avec « En marche », E. Macron souhaite créer un grand mouvement, loin
des partis vieillissants. E. Macron a raison sur un point : celui du
retour attendu des politiques dans le réel. Car plus que jamais, il y a
un lien à recréer, une parole à donner, des citoyens à écouter, des
idées à inventer et un politique à réinventer. C’est le retour de la
politique charnelle : celle qui se fait loin de Twitter, main dans la
main « avec » les Français. E. Macron a en revanche oublié l’essentiel :
la cause mobilisatrice, celle qui a fait se lever des millions
d’Américains pour aller convaincre son voisin d’aller voter Obama.
2/ En voulant débuter une telle démarche, le ministre de l'économie n'a t-il pas agit à contre temps ? Le démarchage est il davantage un appui à un socle électoral préexistant, plutôt qu'un moyen d'enclencher un mouvement politique ?
Pour être efficace cette stratégie de
terrain doit pouvoir s'appuyer sur un maillage territorial fort d'où
l’importance d'un parti politique car, aussi vieillissant soit-il, le
parti politique permet encore de compter sur des décrochages locaux (les
fédérations et les sections par exemple) et leurs nombreux militants
pour diffuser un même message, au même moment et partout sur le
territoire.
En 2008, la campagne américaine
s'appuyait sur un levier participatif hors norme faisant de chacun des
citoyens un ambassadeur potentiel de la marque Obama. Il a, en son
temps, su appliquer à la politique le modèle Tupperware : ces réunions à
domicile faites pour séduire et déclencher à terme l'acte d'achat. Dans
ce système de vente, Obama n’a fait que remplacer les boites de
plastiques vides par le catalogue « American Dream ».
Forcément, la stratégie de Macron pose
question. D’abord, peut-il compter sur des militants au sens terrain du
terme : ces hommes et ces femmes qui tractent sans relâche sur les
marchés, ces hommes et ces femmes qui vivent pour leurs idées, ces
hommes et ces femmes qui mouillent leurs chemises comme personne ?s Lors
de son ascension, Obama portait en lui un idéal, un changement de
société, une autre Amérique possible. C'est pour cette raison qu’Obama a
réussi à réunir autour de lui une armée de commerciaux-citoyens. C'est
le fameux « Yes We Can ». Le « WE » avait eu à l'époque toute son
importance. Dans une certaine mesure, le "En marche" de E. Macron
s’inscrit dans cette démarche « d’aller ensemble ». Mais elle pose la
question du « où ? » Qu'incarne le "En marche" ? Quelle est la
destination promise d’E. Macron, si ce n’est qu’une destination
personnelle ? Quelle vision de société voire de vie souhaite-il pour les
Français ? A mes yeux, ce mouvement n'est pour l'heure qu’un « coup de
com » qui révèle une fois de plus une ambition personnelle. Pour gagner
du crédit, ce mouvement doit pouvoir être suivi d'actions et surtout
être tenu dans la durée, hors caméra, hors smartphone, hors selfie. Mais
est-ce possible ?
3/
En voulant absolument faire de la politique "autrement", Emmanuel
Macron n'a t il pas sous estimé l'importance des fondamentaux politiques
? En quoi une évolution de ces "fondamentaux" est elle tout de même
envisageable ? De quelle manière ?
En réalité, E. Macron fait de le
politique comme tout le monde ou plutôt de la communication politique
comme tout le monde : petites phrases, formules chocs, dérapages
préparés, pose dans Paris match, scénarisation de la vie privée,
personnalisation de la vie politique.
E. Macron apparaît comme un politique
nouveau parce qu'il n’a pas 40 ans et qu'il est déjà présidentiable,
parce qu'il n'est pas issu d’un parti et qu'il est Ministre de
l'Economie, parce qu'il vient de l'univers bancaire et qu'il fait parti
d’un gouvernement de gauche, parce qu'il est « en marche » et qu'il est
Juppé-compatible. E. Macron est atypique. Au yeux des médias, il est
surtout bankable. C'est un bon client car il contribue au spectacle
politique continu. E. Macron pense à tort qu’il peut avancer seul, sans
l’appui d’un socle électoral fort. Mais pour l’heure, cette fameuse base
constitue encore une des conditions à la réussite du succès des
campagnes.