A l'occasion de
la manifestation contre le mariage homosexuel ce dimanche, Frigide Barjot jouit
d'une importance médiatique dont elle profite pleinement.
Atlantico : Ce dimanche est organisé une manifestation
à l’initiative du collectif "La manif pour tous" qui rassemble une
trentaine d’associations contre le projet de loi du gouvernement sur le mariage
homosexuel. L'humoriste catholique Frigide Barjot, qui mène le collectif,
semble être la figure de proue de l'opposition au "mariage pour
tous". Comment expliquez-vous son ascension médiatique de ses
derniers mois ? Cela vient-il notamment du fait qu'elle est la seule interlocutrice
disponible pour les médias ?
François Belley :
Frigide Barjot est d’abord ce qu’on appelle une bonne « cliente ».
D’aucuns reconnaissent en effet que le personnage est détonnant. Elle sait se
mettre en scène et assurer au bon moment le fameux « spectacle » que
les journalistes -en quête de l’audimat oblige- attendent toujours sur les
plateaux TV. T-shirts à slogans, jupes courtes, tutoiement systématique,
attitude franchement décontractée, prises de positions décalées, Frigide Barjot
connait manifestement la (bonne) nourriture médiatique, la force des images
tout en ayant toujours le sens des formules chocs pour faire mouche. Chez elle,
tous les ingrédients sont là. Avec les journalistes, celle qui se définit
comme « l’attachée de presse catholique » s’est d’ailleurs inscrite depuis
peu dans la relation suivante : « J’assure le show. Et vous assurez
mon existence médiatique donc politique en quelque sorte ». C’est du
donnant-donnant ou plutôt du gagnant-gagnant et ce pour les deux parties.
Assurément, Barjot est devenue un produit médiatique dans l’air du temps.
Ensuite, à l’image de son pseudo, le style de Frigide Barjot est en rupture
totale avec l’univers tradi et catholique qu’elle est censée incarner. Frigide
Barjot a su en effet prendre le contre-pied de l’austérité reconnue de
Christine Boutin et faire du « conservatisme cool » son
positionnement stratégique. Cette opposition permanente qu’elle incarne et
nourrit actuellement rend son personnage atypique donc forcément attractif aux
yeux des médias et de son cœur de cible à droite. Sur un tel sujet sociétal, ça
la positionne donc comme une figure de proue nouvelle et sensiblement
différente. Ça plait, ça ne plait pas, là n’est pas la
question. Force est de constater qu’elle sait et fait bien parler d’elle.
Frigide Barjot n'a pas de responsabilité politique et
demeure par conséquent plus libre de ses propos. Cela constitue-t-il un réel
avantage dans sa stratégie de communication ?
François Belley : Son absence d’étiquette (pour l’heure) et son profil non
politiques font surtout partis de ses forces actuelles lesquelles lui
permettent, en plus d’une liberté de ton, de créer l’adhésion autour d’elle et
de fédérer au-delà des partis. Ainsi, sa communication est astucieuse. On a
l’impression d’avoir à faire à un nouveau type « d’Homme politique »
avec une façon de faire de la politique totalement différente. Astucieuse,
Frigide Barjot a surtout su faire d’un positionnement franchement
« anti » un mouvement positif même festif avec la promesse de la
manif « pour tous ». Pour autant, son ascension médiatico
politique pose la vraie et seule question à mon sens du vide politique qu’elle
est venue combler. Et donc de sa légitimité sur un sujet société jugé pourtant
majeur au yeux du gouvernement en place. Reflet de la société spectacle
où le signe l’emporte trop souvent sur le sens, l’omni présence et le poids
démesuré de Frigide Barjot sur cette proposition gouvernementale vient une
nouvelle fois démontrer la crise du politique et mettre en lumière l’absence de
personnages majeurs dans l’offre actuelle.
Au contraire, à vouloir trop en faire ou à parler trop
franchement, ne risque-t-elle pas de braquer l'opinion contre sa cause ?
François Belley : Frigide Barjot va surtout continuer de nourrir son
personnage. Autrement dit, continuer sans relâche à « vouloir trop en
faire ou à parler trop franchement ». Car c’est son fonds de commerce,
tout simplement. Chez elle, le « trop » est la norme. C’est ce qui
attire en effet l’attention et suscite de l’intérêt. Ainsi, une normalisation à
terme du personnage la ferait rentrer de facto dans le costume moins rosé et
plus « moulé » du politique. Moins intéressant pour elle
donc. Elle perdrait en effet tout ce qui fait aujourd’hui sa valeur ajoutée
pour certains. Son personnage haut en couleur pourrait en revanche insuffler à
terme une dynamique et, en cas de trop plein, passer le relais à un autre
personnage aussi médiatique mais cette fois plus politique.
A long terme quel est l'objectif de la meneuse du collectif
? Comment peut-elle envisager l'avenir ?
François Belley : L’avenir et le poids « politique » de Frigide
Barjot sont évidemment liés à la réussite ou non de cette manifestation, de la
dynamique qu’elle saura ou non créer ces prochaines semaines mais surtout de
son impact sur le projet de loi du Gouvernement. Il est évident que Frigide
Barjot rêve en secret de rééditer le coup de 1984 lorsque la droite mobilisée
dans la rue avait su faire reculer le gouvernement de Mitterrand sur le projet
de loi sur l’école privée. Aussi, un retour en politique n’est pas
totalement à exclure pour celle qui fit Science Po et qui s’est présentée
-rappelons le- aux élections municipales de 2008 à Paris. Celle qui
publia en 2011 « Confessions d’une catho branchée » pourrait aussi en
profiter pour changer l’image de l’église catholique en devenant par exemple la
nouvelle égérie de sa prochaine campagne publicitaire. Puisqu’elle aime plus
que tout être dans la lumière.
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