8 juillet 2017

Oui, la politique est un métier.

Le "dégagisme" est à la mode.
Contrainte, forcée ou souhaitée, cette tendance "à dégager" (volontairement ou non) illustre une nouvelle ère : celle du renouvellement produit à tout prix, constatée il y a quelques années déjà dans l'univers de l'entreprise. Exit les partis, les caciques et les professionnels de la politique, l'époque veut voir du neuf. Autrement dit, des nouveaux visages. Sarkozy et Juppé ont été sortis par l'air du temps. Cambadélis, NKM, Duflot ou Hamon ont été balayés par les urnes. Fillon et Bayrou ont été remerciés par les affaires. Quant à Raffarin, il a déclaré forfait, conscient qu'il fallait, à un moment donné, vivre aussi avec son temps. La primaire, la Présidentielle comme les Législatives ont été sans appel pour les professionnels de la politique. Les derniers qui restent sont prévenus pour les municipales de 2020. Leur destin est d'ores et déjà écrit.
Pour plaire au marché désormais (comprendre les médias puis l'électeur), il faut être jeune, venir de la société civile (avoir un métier est un plus) et surtout être inexpérimenté en politique (pas de passé partisan, surtout pas de fonctions électives), synonyme de vrai changement, de modernité et d'honnêteté. Paradoxe de notre époque, ce non professionnalisme devient aujourd'hui un gage de professionnalisme et de confiance. Un agriculteur élu : ça le fait. Une infirmière élue inspire confiance. Un jeune élu est symbole d'espoir. C'est le profil qui prime, plus la compétence. Puis l'histoire est belle. Une nouvelle fois, ça fait vendre.
À la surprise presque générale, ont émergés ces dernières semaines un président de la République de 39 ans, jamais élu auparavant ; un ministre d'État ancien présentateur TV ; un député mathématicien de profession ; une autre députée commerçante à la retraite devenue chroniqueuse radio ; enfin un dernier député, de 23 ans d'âge, qui fait de parlementaire son premier job. Dans une époque pas si lointaine, avant de fouler les marches de l'Assemblée ou celles plus hautes de l'Élysée, on passait cahin-caha par toutes les étapes de la vie politique. Aujourd'hui c'est fini. À l'ère "start-up" l'on passe de stagiaire à DG en 6 mois, les profils "atypiques" et les parcours éclairs (donc plus vendeurs) sont les bienvenus. C'est comme ca : c'est le diktat du neuf et du court terme.
Aujourd'hui, le changement présenté comme révolutionnaire passerait en premier lieu par un changement de casting, un peu comme dans les médias où la rentrée de septembre voit toujours venir de nouveaux présentateurs pour relancer ou donner un peu de fraîcheur à des émissions de TV ou de radio en perte de vitesse. La règle du jeu de la chaise musicale est connue car rodée. La forme est capitale en politique, dans l'univers des marques également. Le packaging change. Le produit reste le même. Or, depuis la Grèce Antique et la naissance de la politique, il y a une constance, valable aussi dans le monde de l'entreprise.
- Pour faire de la politique, il faut d'abord "être" politique. Autrement dit, savoir gérer le pouvoir, les hommes, les promesses et le principe de réalité. Attention aux élus affectifs, sincères, et loyaux, "être politique" est un vrai métier et à plein temps.
- Pour faire de la politique, il faut ensuite "connaître" la politique. Car à l'instar de l'agriculture ou des mathématiques, la politique est un univers à part avec ses codes et ses règles du jeu. Tous les sortants le savent. En politique, il faut savoir "parler" la politique. Tel le poker et l'univers du jeu, la politique a une langue, surtout un langage avec ses éléments, avec des temps de parole et de silence dans des moments clés. Chevènement l'avait même théorisé : " Un ministre, ça démissionne ou ça ferme sa gueule". Attention aux élus grandes gueules, passées ou non chez RMC, toute vérité n'est pas bonne à dire. En politique, il convient de connaître la vérité d'un jour mais également les logiques d'appareil, les rapports de force, le jeu des contre- pouvoirs, les effets d'annonce ou l'art des alliances, pour ne pas être seulement in fine le mirage d'une séquence, l'archétype d'une époque ou pis, le pion d'une majorité ou d'un Président, passé maître du placement de produit. "Connaître" la politique" est donc un vrai métier et à plein temps.
- Pour faire de la politique, il faut ensuite "vivre" la politique. Autrement dit, vivre au rythme qu'impose la fonction d'élu qui vous fait passer, comme la téléréalité, de l'ombre à la lumière, vous et votre famille, vous et votre passé sous toutes ses formes. Contrairement aux autres métiers moins exposés, il n'y a pas de pause en politique, pas de temps morts, pas de off. En politique, il faut savoir gérer l'art de la représentation continue, le poids des mots et des formules, l'art du déplacement et du protocole. En politique, la bourde est au bout de la phrase. Le bad buzz à la phrase suivante. Surtout, en politique, tout est politique : un regard, un silence, une posture, un sourire, une poignée de main, un soufflement, un nœud de cravate. Tout est vu, analysé et relayé. C'est ainsi : c'est l'ère des commentateurs et autres experts qui suivent un autre rythme, celui effréné des chaînes d'infos. Contrairement à ce l'on pense, la politique, ce n'est pas comme dans la vraie vie. "Vivre" la politique" est un vrai métier et à plein temps.
Depuis la séquence Macron, le politique a changé, tout du moins son visage. Et c'est ce que les Français voulaient. Mais la façon de faire, c'est-à-dire le cadre institutionnel dans lequel il évolue, lui, est resté le même. A mon sens, ce n'est pas le présentateur qu'il faut changer, pas même l'émission qu'il convient de relifter le temps d'une saison mais bien le support carrément qu'il convient de repenser. Ce n'est pas une histoire d'homme, de femme, de jeune, de costume ou de cravate. C'est une histoire de système. Les vieux routards de la politique le savent. La politique est un métier, définitivement. Et si ça ne change pas vraiment sur le fond, ces vieux de la vieille seront en embuscade. Car en politique, on ne meurt jamais. C'est une histoire de nature aussi.
RIDEAU.

4 juillet 2017

MÉLENCHON OU L'OPPOSITION "SPECTACLE".

Il agresse beaucoup, agace souvent, amuse parfois, mais qu’on le veuille ou non, J.L Mélenchon assure LE « Spectacle » depuis sa séquence réussie de l'élection présidentielle. Résultat : un classement régulier dans le top 10 des "trending topics", une OPA sur les bandeaux d'"actu" de BFMTV et des audiences record lors de ses représentations, qu'elles prennent la forme de "tutos" Youtube, de "happenings" de rue ou de meetings en hologramme où les curieux se mélangent maintenant aux militants pour assister in vivo au « Mélenshow - saison 2 ». Depuis son départ éclair du Parti Socialiste en 2008, J.L Mélenchon, à l’appui d’une stratégie de communication bien ficelée, est devenue une marque arrivée à maturité : celle d’une offre politique à la fois « hors linéaire » mais cette fois crédible (versus 2012) de par son score élevé à l'élection présidentielle et sa victoire à la députation. J.L Mélenchon postule donc naturellement à la place de premier opposant. Il a pour l'heure celle, indiscutable, de L'OPPOSITION SPECTACLE. Voici pourquoi.

- D’abord, « l’homme » Mélenchon s’inscrit dans une conjoncture de crise-continue, et particulièrement aiguë, toujours propice à l’émergence de personnalités fortes, à la fois « grandes gueules » et « anti-establishment », donc volontiers « populistes ». Candidat miroir, J.L. Mélenchon a su très vite sentir l’air du mauvais temps pour s’approprier un territoire de marque spécifique, celui de la « révolte », de la « colère » ou encore de « l’indignation », lui permettant de se positionner clairement sur le marché comme LE candidat hier « anti système », aujourd'hui "insoumis". Dès lors, chez lui, tout est fait, en permanence, pour nourrir l’image de "l'opposant à" et incarner ainsi la promesse de son parti d'antan « faire front » sur lequel il a construit sa marque. D’abord, sa posture physique, de nouveau soigneusement agressive, laquelle est symboliquement bien illustrée par le « doigt pointé » redevenu depuis la présidentielle « son » signe distinctif. Ensuite, ses répliques chocs et imagées, lesquelles visent moins à « clouer le bec » de ses interlocuteurs que marquer les esprits pour être massivement reprises par les réseaux sociaux et les chaînes d'info en buzz-continu. Enfin, ses cibles privilégiées, en premier lieu desquelles le Président E. Macron, les députés de l'actuelle majorité et les journalistes de terrain qui ont remplacés les banquiers et les sondeurs qu'ils souhaitaient voir jadis « tous s’en aller ». JL. Mélenchon refait donc du Mélenchon (pré-campagne) et ré-occupe le même positionnement que, dans les années 90, B. Tapie et de J.M Le Pen, ces deux « jumeaux du populisme » qui ont assuré, en leur temps, le « spectacle politique » en défendant, à grands coups d'éclats médiatiques, ceux « qui ne sont rien » et qui attendent tout.

- Ensuite, Jean-Luc Mélenchon est ce qu’on appelle dans le milieu journalistique, un très bon client, homme d’image, de communication comprenant et maîtrisant comme personne les médias, leurs codes, leur univers et fonctionnement. Avec J.L. Mélenchon en effet, la petite phrase (celle qui va faire mouche le Jour J, être reprise par le fil Twitter des journalistes pour créer l’événement autour du personnage), si elle est souvent attendue, est toujours donnée avec une extrême générosité. Aussi, même si l’ancien socialiste s’amuse à taper en permanence sur les journalistes, ces derniers s’inscrivent paradoxalement avec lui dans une relation moins masochiste que « gagnant-gagnant ». Chez J.L Mélenchon, le succès tiendrait donc, selon moi, davantage à la forme soignée qu’au contenu même de son discours. Car au fond, c’est son style direct et sans concession qui intéresse et rend le personnage aussi attractif. Bousculant les codes, pourtant plus que jamais en vigueur, du politiquement correct, le leader des « Insoumis » met, lui, les pieds dans le plat. Aussi, à l'heure du renouvellement des têtes et du "Dégagisme" qu'il peut craindre à son tour, J.L. Mélenchon doit apparaître sur le marché comme neuf, vrai mais surtout authentique, autrement dit comme "les gens" qu'ils qualifient ainsi avec son parler vrai et son discours imagé sorti tout droit du café du commerce. Pour exister, J.L. Mélenchon a conscience qu'il doit gagner avant tout la bataille de la forme. Il sait qu'avec l'arrivée de Macron en effet, le clivage gauche-droite n'existe plus. Que le PS a explosé. Que les Républicains sont divisés. Et que 7 groupes désormais existent à l'Assemblée. Pour l'heure donc, l'opposition est une affaire de forme, et uniquement de forme.

- Enfin, J.L Mélenchon est un excellent orateur, un tribun fantasque et génial, sans aucun doute (depuis le retrait J.M. Le Pen ) le meilleur de l’actuelle scène politique. Sur les « planches » de la politique française, et aujourd'hui sur celles de l'Assemblée Nationale, J.L Mélenchon tient la rampe comme personne et porte à merveille le masque de l’acteur jouant son texte avec talent. En le vivant et en étant ainsi habité, J.L Mélenchon paraît sincère donc crédible. Comme disait D. Diderot : « les comédiens font impression sur le public, non quand ils sont furieux mais quand ils jouent bien la fureur ». Et J.L. Mélenchon joue bien la fureur. Il a compris que les Français ne s’intéressaient pas à la pièce, non parce que le texte n’était pas bon mais bien parce que le jeu de ses acteurs était franchement mauvais. Alors comme au théâtre, J.L Mélenchon s’attache à soigner la forme de toutes ses interventions en gardant une constance, celle du candidat écorché vif, énergique et volontiers agressif (avec ses interlocuteurs, "matheux" compris), autrement dit des traits contribuant à nourrir à la fois son positionnement mais surtout son charisme : la carte n°1 pour plaire dans "l'ère-Spectacle". Aussi, pour marquer les esprits et « accrocher » son auditoire, J.L Mélenchon peut compter à la fois sur sa posture physique de combat (le poing levé, le doigt pointé et le regard vif), de mâle dominant et son talent d’orateur. Depuis la Place de la République qu'il a trusté pour en faire QG, J.L. Mélenchon harangue puis réveille les foules en excellant dans l’art de la formule, du détournement mariant à la fois l’agressivité et l’humour générateur à la fois de désir (d’action) et de sympathie autour du personnage qui de fait devient digne d’intérêt. Lorsqu'il reste assis à l'Assemblée, lorsqu'il n'applaudit pas, J.L Mélenchon crée l'événement. Il crée même l'événement lorsqu'il est absent (comme au Congrès de Versailles), c'est dire comme il occupe grandement l'espace politico-médiatique, avec ou sans cravate.

En réalité, J.L Mélenchon est l'archétype de la "politique spectacle". Il fait l'écho à l’image de la société d’ultra communication dans laquelle nous vivons, « une société spectacle » où le signe fait sens et où la forme l’emporte bien trop souvent sur le fond. C'est ce qui explique aujourd'hui le succès de la marque "Mélenchon" qui ne doit pas décliner.

RIDEAU.

24 février 2017

INTERVIEW CHEZ SUD RADIO

DEBAT EMISSION "LE GRAND REFERENDUM SUD RADIO" du 24 février 
"Bayrou a-t-il eu raison de se rallier au profit de Macron ?"

En complément de celle du politique, mon analyse porte sur l'impact sur l'image, l'opinion et le positionnement politique de Macron et de Bayrou.
F

25 octobre 2016

INTERVIEW GALILEOCONCEPT LE CLUB

Interview donnée à GalileoConcept Le Club dans le cadre de la conférence "la politique doit-elle être (forcément) un spectacle ?" Que Florence qui pilote ce club de réflexion soit ici remercié pour son accueil, sa curiosité et son énergie. GalileoConcept est définitivement "the place to be".
F

21 juin 2016

Le temps de LA POLITIQUE CHARNELLE attendu.

Inspiré des Etats-Unis, le retour du porte à porte devait être la méthode révolutionnaire sur laquelle Emmanuel Macron aurait pu espérer un succès populaire. Mais malgré une cohorte de volontaires, l'expérience ne semble pas avoir été concluante, faute de soutiens électoraux.
 
1/ Emmanuel Macron, s'inspirant de la méthode d'Obama pendant ses campagnes, a relancé le porte à porte comme biais privilégié de communication. Quelles sont ces méthodes importées des Etats Unis, et en quoi la stratégie d'En Marche s'en rapproche t-elle ? Et en quoi s'en éloigne t-elle ?
La force de la première campagne d'Obama a été d'avoir su créer autour de lui une communauté, sur les réseaux sociaux d’abord puis ensuite sur le terrain. En 2008, plus de 10 millions de personnes ont participé à cette campagne. 3 millions d’Américains ont fait des donations. Et plus d’1 million ont milité sur le terrain. On se souvient qu’en France, Ségolène Royal a usé des mêmes méthodes en s’appuyant sur son association « Désir d’avenir ».
On  sent bien qu’avec « En marche », E. Macron souhaite créer un grand mouvement, loin des partis vieillissants. E. Macron a raison sur un point : celui du retour attendu des politiques dans le réel. Car plus que jamais, il y a un lien à recréer, une parole à donner, des citoyens à écouter, des idées à inventer et un politique à réinventer. C’est le retour de la politique charnelle : celle qui se fait loin de Twitter, main dans la main « avec » les Français. E. Macron a en revanche oublié l’essentiel : la cause mobilisatrice, celle qui a fait se lever des millions d’Américains pour aller convaincre son voisin d’aller voter Obama.


2/ En voulant débuter une telle démarche, le ministre de l'économie n'a t-il pas agit à contre temps ? Le démarchage est il davantage un appui à un socle électoral préexistant, plutôt qu'un moyen d'enclencher un mouvement politique ?
Pour être efficace cette stratégie de terrain doit pouvoir s'appuyer sur un maillage territorial fort d'où l’importance  d'un parti politique car, aussi vieillissant soit-il, le parti politique permet encore de compter sur des décrochages locaux (les fédérations et les sections par exemple) et leurs nombreux militants pour diffuser un même message, au même moment et partout sur le territoire.
En 2008, la campagne américaine s'appuyait sur un levier participatif hors norme faisant de chacun des citoyens un ambassadeur potentiel de la marque Obama. Il a, en son temps, su appliquer à la politique le modèle Tupperware : ces réunions à domicile faites pour séduire et déclencher à terme l'acte d'achat. Dans ce système de vente, Obama n’a fait que remplacer les boites de plastiques vides par le catalogue « American Dream ».
Forcément, la stratégie de Macron pose question. D’abord, peut-il compter sur des militants au sens terrain du terme : ces hommes et ces femmes qui tractent sans relâche sur les marchés, ces hommes et ces femmes qui vivent pour leurs idées, ces hommes et ces femmes qui mouillent leurs chemises comme personne ?s Lors de son ascension, Obama portait en lui un idéal, un changement de société, une autre Amérique possible. C'est pour cette raison qu’Obama a réussi à réunir autour de lui une armée de commerciaux-citoyens. C'est le fameux « Yes We Can ». Le « WE » avait eu à l'époque toute son importance.  Dans une certaine mesure, le "En marche" de E. Macron s’inscrit dans cette démarche « d’aller ensemble ». Mais elle pose la question du « où ? » Qu'incarne le "En marche" ? Quelle est la destination promise d’E. Macron, si ce n’est qu’une destination personnelle ? Quelle vision de société voire de vie souhaite-il pour les Français ? A mes yeux, ce mouvement n'est pour l'heure qu’un « coup de com » qui révèle une fois de plus une ambition personnelle. Pour gagner du crédit, ce mouvement doit pouvoir être suivi d'actions et surtout être tenu dans la durée, hors caméra, hors smartphone, hors selfie. Mais est-ce possible ?
 
3/ En voulant absolument faire de la politique "autrement", Emmanuel Macron n'a t il pas sous estimé l'importance des fondamentaux politiques ? En quoi une évolution de ces "fondamentaux" est elle tout de même envisageable ? De quelle manière ? 
En réalité, E. Macron fait de le politique comme tout le monde ou plutôt de la communication politique comme tout le monde : petites phrases, formules chocs,  dérapages préparés, pose dans Paris match, scénarisation de la vie privée, personnalisation de la vie politique.
E. Macron apparaît comme un politique nouveau  parce qu'il n’a pas 40 ans et qu'il est déjà présidentiable, parce qu'il n'est pas issu d’un parti et qu'il est Ministre de l'Economie, parce qu'il vient de l'univers bancaire et qu'il fait parti d’un gouvernement de gauche, parce qu'il est « en marche » et qu'il est  Juppé-compatible. E. Macron est atypique. Au yeux des médias, il est surtout bankable.  C'est un bon client car il contribue au spectacle politique continu. E. Macron pense à tort qu’il peut avancer seul, sans l’appui d’un socle électoral fort. Mais pour l’heure, cette fameuse base constitue encore une des conditions à la réussite du succès des campagnes.

6 juin 2016

"le je de trop" : sortie de mon 1er roman.

LA PEINE DE LA DÉCONNEXION :
un roman l’annonce pour 2022.
 
le je de trop,
roman - 176 pages
 
11 septembre 2022.
Pour la première fois en France, un internaute se voit infliger une peine d’un an ferme sans Internet. Plongé jusqu’alors dans la grandeur du monde facile de l’accès – au temps,  à l’information, à la connaissance, à l’autre, à un « Moi » devenu roi –, Larry Jonnes se voit frappé du choc de la déconnexion. Loin du Cloud et des réseaux sociaux, ce game designer dans l’industrie du jeu vidéo découvre l’horreur d’une vie « sans » : l’horreur d’une vie devenue impossible sans son « @ ».

l’écriveur,
l’auteur - françois belley
 
François Belley est un écriveur.
Publicitaire de profession, il est l’auteur de l’essai Ségolène, la femme Marque (2008) et du blog La politique spectacle décryptée par un fils de pub à travers lequel il continue de décrypter la marchandisation de l’homme politique moderne. Le Je de trop est son premier roman. Par ce nouvel opus, l’auteur dénonce le diktat du tout numérique, en premier lieu celui des réseaux sociaux dont il pointe l’impact des conséquences physiques, psychologiques et identitaires à venir.   
 
la maison d’édition,
l’écriveur - Écrire, c’est tout
 
L’écriveur est une maison d’édition.
Travaillant avec des auteurs du ‘réel’, elle a fait logiquement le choix d’éditer des livres en vrai, « avec de l’encre et du papier ». L’écriveur a pour objectif d’éditer des auteurs de la vraie vie, « ceux qui pratiquent le quotidien », « ceux qui sentent la vie ». C’est pourquoi, L’écriveur aspire à publier aussi bien des romans que des essais, des nouvelles ou des témoignages. Sa raison d’être se résume dans les lignes de son manifeste en première page de tous ses livres. Son ambition tient à sa devise : « Écrire, c’est tout ».
 
L’ouvrage ‘le je de trop’ est disponible sur  

 

7 mars 2016

Du ciblage en communication politique

Interview donnée à Atlantico le 06 mars 2016

Des rumeurs de plus en plus persistantes laissent entendre que François Hollande serait prochainement l'invité de Laurent Ruquier sur le plateau d' "On n'est pas couché". Une possibilité qui révèle la rationalité de la stratégie de communication mise en oeuvre par le président, conscient de l'atomisation de la société et des chutes d'audience significatives des médias traditionnels.

Est-ce une bonne stratégie de communication ? 
François Belley : Si l'on fait du marketing politique de qualité, il est évident qu'il faut cibler les bons supports pour pouvoir toucher la bonne cible. Ainsi, si l'on veut s'adresser à la France de la terre, il n'est pas totalement inintéressant de prendre la parole dans un support presse largement lu par cette frange de la société. Si l'on remonte un peu dans le temps, ce qui a constitué une nouveauté en termes de stratégie de communication réside dans le ciblage de la presse régionale au cours des années 1970/1980. La stratégie actuelle de François Hollande est bien éloignée de celle d'un Gérard Colé ou d'un Jacques Pilhan, tous deux en charge de la communication de Mitterrand. La stratégie de la "rareté" qu'ils sont connus pour avoir théorisé consistait à dire que François Mitterrand étant président de la République, celui-ci ne prendrait la parole que dans des moments importants, graves et solennels, contribuant ainsi à dessiner les contours d'un homme présidentiel. Or, le problème de fond de Hollande est là : il n'est pas du tout présidentiel. De fait, je ne suis même pas sûr qu'il y ait une véritable stratégie de communication au sein de son état-major.






Lors de sa campagne présidentielle en 2008, Barack Obama affirmait la nécessite d' "aller là où sont les gens", privilégiant notamment la communication auprès de différents groupes, notamment communautaires (Afro-américains, Asiatiques, Hispaniques, etc.) via les réseaux sociaux. Cette campagne n'a-t-elle pas été un tournant dans la mise en place de cette stratégie privilégiant la communication auprès de groupes spécifiques ? 
François Belley : Au cours de cette campagne, Obama a révélé trois forces. La première, c'est qu'il a compris avant la plupart des hommes politiques, notamment français, que l'électeur-citoyen ne s'informait plus via les médias traditionnels. Partant de ce principe, il est allé le toucher ailleurs, et notamment sur les réseaux sociaux à l'heure du 2.0, qui offrent la possibilité de participer et d'interagir. Chaque citoyen-électeur devenait alors citoyen-contributeur de la campagne.
Sa deuxième force a consisté dans son constat établi que les électeur-citoyens étaient convaincus de la déconnexion des hommes politiques par rapport à la réalité. Face à ce postulat, il a décidé d'être un homme politique ancré dans le réel. Ceci explique l'intérêt de la désacralisation de la fonction politique (ici la fonction présidentielle). Cette désacralisation passe par la constitution d'images scénarisées, à l'heure du tout numérique, insérées dans une séquence présidentielle "normale". Il incarne alors un président "normal" : il fait du basket dans son bureau, soit dit en passant l'une des images les plus retweetées ; on le voit encore allongé dans son bureau, jouant avec un enfant, là encore dans son bureau, etc. Il développe l'image du bon père de famille, donnant l'impression d'incarner l'homme moderne. Il s'est donc construit en opposition avec l'image traditionnelle de l'homme politique moderne, marquée par un éloignement de la réalité.

Imaginez la mise en place d'une telle stratégie par les conseillers en communication de François Hollande : Hollande en train de faire du basket, allongé dans son bureau, etc. Ce n'est pas la stratégie qui est mauvaise, et j'en arrive à la troisième force d'Obama : c'est un excellent interprète. Il exécute sa stratégie de communication comme un show à l'américaine. Par exemple, Obama est très réputé pour ses mots d'esprit et d'humour ; à l'inverse, lorsque Nicolas Sarkozy se met à faire de l'ironie dans ses interventions, ou bien Hollande, cela ne fonctionne pas. Obama peut se permettre une apparition dans une émission de télé-réalité, communiquer sur Twitter, etc. car cela fonctionne, pour la simple et bonne raison qu'il est le premier président numérique, ce qui renvoie, dans la forme, à une certaine modernité, à une certaine façon de faire de la politique. Ainsi, la marque Obama, après presque 10 ans d'exposition dans la "politique-spectacle", demeure attractive et populaire. Cela n'a pas été le cas avec Nicolas Sarkozy comme le confirme les difficultés de son retour, la marque étant usée ; quant à l'image de François Hollande, celle-ci est complètement détériorée. 
 
Dans un contexte de société de plus en plus atomisée, où il est devenu impossible pour les politiques de toucher l'ensemble de la population via un seul canal/média, est-ce une stratégie de communication à laquelle les hommes politiques ne peuvent plus échapper ? N'est-ce pas finalement une nécessité qui fait loi, plus qu'un choix parmi d'autres ?
François Belley : Il est évident qu'on ne peut pas penser aujourd'hui sa stratégie de communication uniquement par le biais de la radio nationale le matin et/ou de TF1 le soir. Plusieurs créneaux existent aujourd'hui et il convient de les occuper, à quoi s'ajoute l'existence des réseaux sociaux (Facebook, Twitter et Instagram).
En France, globalement, les hommes politiques sont sur les réseaux sociaux mais peinent à en penser leur utilisation stratégique. La semaine dernière encore, François Hollande accordait une interview en direct sur Periscope, et se faisait dans le même temps "troller", des messages peu élogieux à son égard apparaissant alors à l'écran. Dans ces conditions, il n'est pas possible de construire une image. Une image présidentielle s'impose, elle n'est pas imposée surtout lorsqu'on est président de la République. C'est tout le problème de François Hollande.
La segmentation de la société n'arrange en rien l'affaire. Celle-ci est due à un repli communautaire, résultat de la crise qui se manifeste par une perte de sens et d'identité. Par conséquent, les hommes politiques sont contraints d'adapter leur stratégie politique. Dans la séquence politique que nous connaissons actuellement, est-ce véritablement stratégique de s'exprimer dans Elle ? La communication politique doit être mise au service de l'action, un mot que nous avons complètement oublié. Ce que l'on pourrait conseiller aux hommes politiques actuellement, c'est de se taire de plus en plus, de moins se montrer, et de faire davantage. La question à laquelle les politiques devraient répondre quotidiennement est la suivante : "qu'est-ce que j'ai fait aujourd'hui?", et non pas "qu'est-ce que j'ai dit ?". L'utilisation des réseaux sociaux en est symptomatique : c'est de l'illustration de l'ego trip dans toute sa splendeur, avec des messages à 90% du type "Retrouvez-moi dans 10 minutes sur RTL pour mon interview". Où sont les idées et les actions politiques là-dedans ? Car si la communication politique n'est pas constituée par l'action, alors nous sommes dans ce que j'appelle la "politique-spectacle". 
 
Une telle stratégie, impliquant par exemple d'aller s'adresser à une partie ciblée de l'opinion sur le plateau d'On n'est pas couché, est en revanche fortement contestée au motif qu'elle contribue à la désacralisation de la fonction politique. Quel est le réel rapport coût/bénéfice d'une telle opération pour nos dirigeants politiques ? Que regagnent-ils de ce qu'ils perdent en respect de leur fonction ?
François Belley : Si l'on reprend l'apparition de Manuel Valls en janvier dernier sur le plateau d'On n'est pas couché, la seule stratégie ici consiste à aller parler politique à ceux qui ne s'intéressent plus à la politique. Il s'agit là d'une très mauvaise stratégie, principalement parce qu'elle contribue à nourrir la "politique-spectacle". Nous vivons actuellement une double crise : celle de la politique et celle du politique, plus importante que la première. Nombreux sont les sondages à révéler la défiance des Français à l'égard du personnel politique, alors qu'ils sont passionnés de politique ; nous sommes d'ailleurs le pays où il y a le plus de sondages réalisés, de micros-trottoirs, etc. A l'heure actuelle, le seul temps de parole conséquent accordé aux politiques, malheureusement, c'est dans les émissions de divertissement, et non pas dans des émissions spécialisées.
Le seul gain pour compenser cette désacralisation, c'est la flatterie de l'égo. Ce type de stratégie ne nourrit ni la fonction du politique, ni ne participe à la réconciliation des Français avec la politique.